Les brouillards de Londres – e03

Dunstable 1 décembre 1877

Elena,

Je vous écris depuis le bureau du sergent Roterfield du poste de Police de Dunstable.

J’ai la confirmation que cette affaire va bien plus loin qu’une simple agression

Ce que vous évoquez concernant votre  me laisse sans voix. C’est une coïncidence des plus troublante. Mais J’ai bien peur que votre frère ait fait preuve de bien trop d’audace en s’intéressant aux affaires de Lord Mortimer.

Vous connaissez mon tempérament direct et parfois brutal dans mes propos. C’est un trait de caractère que j’ai gardé de mon service dans l’armée durant la guerre de Crimée. Sachez que je ne dérogerais pas à cet aspect de ma personnalité durant notre correspondance. Alors je vais être franc, j’ai bien peur que votre frère ne soit en grand danger.

Il se trouve que peu de temps après mon arrivée à Luton j’ai retrouvé Monsieur Henry Brown. Celui-ci fut facile à dénicher tant son retour fit grand bruit dans cette petite bourgade. Il me suffit d’attendre dans le pub local que notre suspect vienne dépenser sa nouvelle fortune en boisson et en activités dont la morale m’interdit d’évoquer dans une lettre adressée à femme respectable telle que vous.

L’homme a un visage altéré par la vie. Son nez déformé et ses cicatrices aux arcades évoquent les nombreux coups probablement reçus lors de combats clandestins. Ses yeux bleu vert éclaircissent quelque peux un visage éteins et crasseux. Sous la poussière noire qui recouvre son nez se devine un début de couperose évocatrice d’un penchant excessif pour la boisson. La description qui m’avait été faite de l’homme était en dessous de la réalité, car il est doté d’une carrure des plus impressionnante. Heureusement son état d’ivresse avancé me permit aisément de lui passer les fers non sans l’aide de deux agents de police locaux que j’avais amenés avec moi pour l’occasion.

L’interrogatoire fut des plus faciles. Si l’homme en imposait par sa musculature il n’en était pas moins victime de son addiction à l’alcool. Aux premiers signes de tremblement, signifiant un manque irrépressible de boisson, il me raconta toute l’histoire en échange d’un verre de whisky. Même le plus fort des hommes n’est pas exempt de faille.

Il m’a donc révélé quelque chose de troublant et d’étrangement en lien avec votre frère. Le 16 novembre dernier, juste après avoir gagné un combat clandestin, Henry fut abordé par un homme encapuchonné. Henry me jura que celui-ci l’a engagé pour protéger lord Mortimer lors d’une rencontre prochaine qui aurait lieu le 18 novembre sur les quais de la Tamise non loin du shakspear’s Globe. Henry reçut 50 Livres d’avance et 50 Livres devaient lui être versées après la rencontre. Mais notre homme à capuche n’a pas choisi le bon cheval.

Que fait un alcoolique qui reçoit une forte somme d’argent ?

Il le dépense en boissons. Et 50 Livres sont une somme qui permet de boire sans discontinuité pendant des semaines. Surtout au vu des tarifs pratiqués dans les bas quartiers de Londres. Il passa beaucoup de temps au Raven’s Bock et il fit un bel étalage de son argent.

Au final Henry était tellement saoul qu’il oublia de se rendre sur place le moment venu.

Il me raconta qu’il s’était endormi sur un banc de Hyde Park bravant l’interdiction d’y pénétrer après 20 heures. Il perdit sa caquetée durant la nuit. Selon lui, son nom est brodé sur cette dernière. J’ai quelque doute sur cette affirmation, car l’homme ne sait pas lire.

Pourriez-vous vérifier ses propos auprès des préposés aux objets trouvés du parc  ?

Il est à noter cependant que la casquette retrouvée dans la main de la victime est trop petite pour le crâne de Henry Brown.

Il s’est fait réveiller au petit matin par le gardien du parc qui l’a chassé. Puis dans un éclair de lucidité, l’homme décida de prendre la fuite vers sa ville natale afin de se faire oublier. Il avait manqué à son devoir et devait disparaître afin d’éviter les représailles de son mystérieux employeur.

C’est ainsi qu’il se rendit çà Luton.

Pour moi l’enquête arrivait dans une impasse. Plus aucun témoin. Et un coupable avec un possible alibi.

Mais tout changea avec votre lettre et un article du Times du 15 novembre dernier, que je joins au courrier. Je remercie le ciel de m’avoir octroyé une bonne mémoire qui me permit de me souvenir de l’article.

ARTICLE DU LONDON TIMES DU 15 NOVEMBRE :

UN VOL DE HAUT VOL !!!

Dans la nuit du 13 au 14 novembre dernier un vol des plus spectaculaire fut commis dans la résidence secondaire de Lord Hutington à Dunstable. Le voleur semblait extrêmement bien informé, car un collier en diamant d’une grande valeur fut subtilisé au nez et à la barbe du personnel de maison qui dormait paisiblement pendant le terrible méfait. Les malfaiteurs sont entrés par les toits sans commettre aucune effraction, car une fenêtre avait été laissée ouverte par mégarde.

«  Nous n’écartons aucunement une possible complicité du personnel de maison » relate l’inspecteur Taylor de Scotland Yard en charge de l‘enquête.

Durant ce cambriolage seul le précieux bijou fut emporté. Une pièce inestimable= habilement cachée dans un coffre dissimulé qui ne semble pas avoir posé de problème aux cambrioleurs, car il fut également ouvert sans effraction.

Pour l’heure l’enquête piétine, mais la Police de Sa Majesté espère en apprendre plus avec l’interrogatoire des employés de Lord Hutington.

Andrew Petterson

Après avoir retrouvé cet article, je me suis rendu tout de suite à Dunstable. Lord Hutington ne souhaita pas ma me recevoir prétextant qu’il avait déjà tout dit à l’inspecteur Taylor. J’ai pu tout de même participer à l’interrogatoire de Betty Findray, la femme de chambre de lord Hutington. Cette dernière clama son innocence, mais révéla une information importante. Lord Mortimer est venu rendre visite à Lord Hutington le 11 novembre dernier.

Pour moi le lien c’est fait rapidement dans ma tête. Lord Mortimer serait-il impliqué dans ce cambriolage. Sinon pourquoi sa veuve aurait-elle reçu en cadeau un magnifique collier en diamant associé à de nouveaux égards amoureux de la part de son mari ?

Je sais ce que vous pensez. Je me permets de porter un début d’accusation à l’encontre d’un homme de haut rang. D’autant que je prends la liberté de vous évoquer ouvertement cela alors que vous êtes vous-même membre de l’aristocratie. Mais pour moi, seule la vérité compte et si complicité il y a, il est de mon devoir de le découvrir.

Cependant, il reste encore trop d’inconnues. Lord Mortimer avait-il des problèmes d’argent ? Pourquoi ce rendez-vous nocturne ? Qui est cet homme encapuchonné ?

Il nous faut en premier lieu valider ma théorie. Collier étant unique, c’est une pièce qui est obligatoirement dotée d’une gravure de l’orfèvre qui l’a créé. En l’occurrence John Lampfert. Les initiales J. L. devraient se trouver inscrites sur ce collier si tel est le cas il serait bon que ce collier soit amené à nos bureaux pour authentification. Qu’en pensez-vous ?

Je n’ose même pas imaginer les remous provoqués si ma théorie devait se confirmer. Mais il comporte avant tout que la presse ne soit pas au courant. Je sais que la presse mondaine est assez aguerrie en matière d’enquête croustillante. Si jamais un journaliste apprend l’existence de ce collier parmi les bijoux de Lady Mortimer, notre affaire se compliquera et la Famille Mortimer risque de subir un discrédit qu’elle ne mérite pas. Je m’en remets à vous. Vos liens avec la veuve de la victime nous serviront grandement pour avancer dans cette affaire.

Je vais poursuivre l’enquête. Il me faut maintenant retrouver votre frère. C’est la clé. Et c’est la seule personne que nous pourrions décrire à d’éventuels témoins. J’espère prochainement vous annoncer une bonne nouvelle et pouvoir de nouveau goûter votre fabuleux gâteau à la carotte.

Je sais que je vous en demande beaucoup. Et je m’en excuse par avance. Je n’ai rien a exigé de vous, mais au fil de nos échanges je pense que vous à connaître mon tempérament.

Ne vous mettez pas en danger quoi qu’il advienne, vous avez beaucoup à perdre.

Amicalement

Gordon Brown.

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