Le 6 décembre 1939 à Strasbourg
Ma très chère Amie,
Je prie le ciel pour que cette lettre te parvienne. J’ai sommé le petit Willi Meyer de faire notre messager. Il passe parfois en douce la frontière pour je ne sais quelles affaires. Il est un peu simplet et n’éveillera pas les soupçons. Je pense que nous pouvons lui faire confiance. De toute façon, nous n’avons pas le choix, le courrier ne passe plus entre la France et l’Allemagne.
Depuis l’annonce de cette maudite guerre, je ne dors plus. L’ambiance à Strasbourg est si morose. Nous nous terrons dans nos maisons le plus possible. En plus il fait froid ces jours-ci, la neige devrait bientôt arriver.
Stefan va surement devoir fermer la boutique et rejoindre l’armée française, à moins que je ne puisse tenir le commerce. Cela est moins sûr… Ma petite Bretzel chérie, je ne l’ai encore dit à personne… mais je pense que je suis enceinte. Mon cœur s’illumine à cette pensée et me force à garder espoir.
J’aurai tellement aimé te voir, papoter avec toi de vive voix tout en partageant un bon schaps et de l’apfelstrudel de Oma Hilda.
Comment vas-tu ? Quelle est la situation dans ton village ? Peux-tu poursuivre le piano ? Ton cher et tendre est-il enrôlé dans les rangs allemands ? Voici ma plus grande crainte, que nos maris s’opposent sur le champ de bataille.
Je pense également très fort à tes parents et tes frères et sœurs, sans oublier le brave Hopla, ton fidèle quatre pattes de Bonheur. Donne-moi de vos nouvelles et embrasse bien fort chaque membre de ta famille qui, dans mon cœur est comme la mienne.
Prend soin de toi ma précieuse amie,
Tu me manques terriblement.
Ta Bertille,